Dans HISTOIRE

Le Petit Train des Côtes-du-Nord

petit train des cotes du nord

Le 03 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France.

Lors de son service actif, chaque homme reçoit un fascicule de mobilisation, agrafé au livret militaire qu’il doit conserver pendant 28 ans (3 ans dans l’active, 11 dans la réserve de l’active, 7 ans dans la territoriale et 7 dans la réserve de la territoriale). Ainsi, chaque conscrit et chaque réserviste  sait quand et comment il doit rejoindre son lieu d’affectation en cas de mobilisation.

“Consultez votre livret militaire, de couleur bleue. Il indique la date de départ et le lieu de votre caserne”  répète l’instituteur à qui veut l’entendre.

Les gens lisent ou se font lire ce qui y est écrit.

Les classes 1911 à 1913 font partie de l’armée active. Ils ont déjà quitté les casernes qui vont accueillir les rappelés au service. Les classes 1910 à 1887 sont donc principalement concernées par l’ordre de mobilisation. Les appelés doivent se rendre au dépôt de Saint-Brieuc, entre le lundi 03 et le jeudi 06 août 1914. Certains seront convoqués un peu plus tard.

Au petit matin, les hommes sortent des maisons. Ils embrassent une dernière fois leur femme, et serrent leurs fils et leurs filles dans leurs bras. D’autres embrassent leurs parents. Les enfants sont silencieux, les yeux gonflés, rougis par les pleurs et le manque de sommeil. Les voisins sont également sortis pour un dernier au revoir. La tristesse qui se lit sur les visages montre que la peur de la guerre est bien là. D’ailleurs, c’est quoi la guerre ?

Je n’aurais jamais cru la guerre comme cela, on ne s’en fait pas une idée. Parfois en regardant des gravures d’antan, on voit le drapeau flotter en l’air, eh bien je ne l’ai vu qu’une seule fois, et encore, c’était à une revue de décoration…” écrivait un Poilu en décembre 1914.

Départ des mobilisés

départ des mobilisés

Ils jettent un dernier regard sur leur maison, leurs bêtes et les champs, comme s’ils voulaient fixer cette image à jamais dans leur mémoire. En silence, Ils rejoignent la gare de Lanvollon.  Le cœur n’y est pas.  Reviendront-ils un jour ?

Certains prendront peut-être le train à Lizandré, d’autres à Lantic.

A cette heure matinale, le quai est inhabituellement bondé. Des hommes sont déjà assis dans les wagons. Ils viennent de Guingamp ou des communes environnantes. Ils discutent entre eux. On sent l’enthousiasme les saisir :  « C’est pour la vieille Bretagne ! C’est pour la France ! Hardi, les gars ! » (1).

A 06h48, le Petit Train des Côtes-du-Nord quitte la gare de Lanvollon. A chaque arrêt, des hommes montent dans les wagons : Pléguien, Lizandré, Plouha, Kérégal, Tréveneuc, St Quay, Portrieux-les-Bains, Etables, Plourhan, Lantic, Binic, Pordic, Carreaux, Plérin, Colvé. Le train arrive finalement en gare de Saint-Brieuc à 08h55. Une marée humaine déferle sur le quai  pour rejoindre le casernement.

Tout a basculé en cet été 1914 quand la guerre est venue les surprendre. Ils vivaient paisiblement. Ils sont partis défendre leur pays, protéger leur famille face à l’ennemi. Ils ont vécu la peur, l’horreur, la souffrance ; ils ont affronté la mort dans des conditions inhumaines. A ces hommes, nous devons bien plus qu’un nom sur un monument « Morts pour la France ».  Pas une famille ne compte au moins un mort ou un blessé  dans ses rangs ! De victimes, ils sont devenus des vainqueurs, pour demeurer des héros avec le temps.

Cette guerre fut surnommée La Grande Guerre car elle mobilisa les grandes nations du monde entier. Plus de 10 millions de personnes furent tuées ;  1 400 000 hommes pour la France, soit en moyenne 960 hommes morts par jour durant ces quatre années. Trois fois plus que la 2ème guerre mondiale.

Pas un seul petit village ne fut épargné. Tréguidel  fut également touchée. Notre commune comptait 775 habitants au recensement de 1911. 35 des nôtres ont perdu la vie au cours de cette guerre, soit 4,5 % de la population de 1911.

Les chiffres sont toujours d’une froideur terrifiante, ils témoignent cependant d’une réalité implacable : Tréguidel, comme nombre de communes bretonnes, a payé un lourd tribut durant cette guerre. De nombreux marins sont morts, parmi eux  10 Tréguidelais . Et les régiments d’Infanterie Territoriale ont été parmi les plus touchés.

Dès le 05 août 1914, les premiers convois quittent la Bretagne. Plus de 350 000 bretons, dans la pleine force de l’âge, s’en vont. Ils ne connaissent pas leur destination mais ils savent qu’ils roulent vers l’Est. Ceux qui restent, femmes, enfants, réformés, personnes âgées, devront affronter une dure réalité : celle des  moissons.

 

 

Quelques paroles de soldats  témoignent du courage et du sens de l’honneur dont ils ont fait preuve :

02 août 1914
J’ai embrassé mes camarades et le sergent tout à l’heure au départ. Combien reviendront ? Je suis écoeuré par ce que je vois. Un commandant absolument abruti : il perd ses gants et son carnet en cinq minutes et m’explique vaguement qu’il est très fatigué du voyage, pendant que je le conduis chez le tailleur changer d’écusson. Quel commandant ! On peut trembler en voyant cela et aussi tous ces réservistes, soûls, qui se vautrent sur le trottoir en bas. Et pourtant : en avant ! Si je ne me battais pas, je souillerais à jamais toutes mes heures futures. Plus de joies pures, plus d’enthousiasme, plus d’exaltation pour le Beau. Car je rougirais d’avoir tremblé pour ma vie ! Pour oser regarder le soleil mourir sur la mer, il faut avoir osé soi-même regarder la mort en face – Maurice Maréchal.

5 août 1914
L’emballement, l’enthousiasme braillard et provocant me manque absolument, et les idées de revanche, de vengeance, de grandeur nationale sont pour moi toujours fausses et barbares. Mais on nous attaque, les Allemands viennent saccager notre pays, quand ils auront passé la Champagne, ils viendront chez nous et ce sont nos familles qui seront leurs victimes. Tant pis pour eux ! – Etienne Tanty.

8 août 1914
On souffrira… Ce sera long… Mais on sera vainqueur – La Résistance

9 août 1914
La guerre est le paradis des soldats et l’enfer des enfants. Les souvenirs seuls nous font peur de la mort. S’interdire de penser à ceux qu’on aime de peur de sentir vaciller son courage. Quelle tristesse ! Quel touchant héroïsme ! – Marcel Rivier

Extraits du livre  Paroles de Poilus
de Jean Guéno

Au cours de ces quatre années de guerre, de nombreux Tréguidelais ont pris ce train pour rejoindre leur lieu d’affectation. 35 d’entre eux ne reviendront pas. Pour certains c’était un voyage sans retour, Ils n’ont pas eu la chance de revenir en permission, la mort les a fauchés bien avant.

1914
Pierre Le Roux
Jean Connan
Joseph Guillaume
Pierre-Marie Gouarin
Théodore Gicquel

1915
Yves Le Bray
François Piriou
François Cabala
Gilles Rouault
Alexis Drillet
Joseph Le Ténou
Jean-Louis Héry

1916
Toussaint Pédron
François Corbel
Augustin Méda (mort en 1917)
Jean Drillet
Louis Rebour (mort en 1915)
Toussaint Caruel
François Méda
François Jarno

1917
Edouard Le Touzé
Pierre Méda
Toussaint Cario
Joseph Gouarin

Albert Gicquel
Louis Méda

1918
François Philippe
Guillaume Drillet
Joseph Chevance
François Rebour (mort en 1915)
Jean Botrel
Léon Harscouët
Ambroise Morin
François Corouge
Edouard Minier (mort en 1921)

N’oublions pas cinq autres  soldats, inscrits sur le Monument aux Morts d’une autre commune :

  • Emile Nicolas – né à Tréguidel  (Plouézec’h – 1915)
  • Ernest Nicolas – né à Tréguidel  (Plouézec’h – 1916)
  • Alexis Rebour – né à Tréguidel (Paris – 1914)
  • Noël Rebour- né à Tréguidel  (Neuilly Plaisance – 1918)
  • Pierre-Louis Le Cotonnec – né au Vieux-Bourg, domicilié à  Tréguidel (Le Vieux-Bourg – 1914)
Gare de Saint-Brieuc

A SUIVRE :  1er hommage à Pierre Le Roux, décédé le 22 août 1914

 

 

(1) extrait de l’Ouest-Eclair, rapportant des propos tenus en 1914.
Le petit train des Côtes-du-Nord : source  tramways22.e-monsite.com

Catherine B.

Autres articles

Laisser un commentaire

Contactez-nous

Vous pouvez entrer directement votre message et nous reviendrons vers vous dès que possible. Merci et bonne visite !

Non lisible ? Changer le texte. captcha txt