Dans HISTOIRE

Dans cette série d’articles, nous tentons de retracer le parcours de chaque soldat mort pour la France, inscrit sur le monument aux morts de Tréguidel. Au fur et à mesure de leur parution, vous pourrez consulter les articles directement sur le site  (Découvrir – histoire – guerre 14-18).

Voici l’histoire de Pierre-Marie Gouarin.

Il est né à Tréguidel le 26 juillet 1877 et exerçait l’activité de laboureur.  A son départ à la guerre, il avait 37 ans et était père de deux enfants : Anne-Marie, âgée d’un an et Pierre, âgé de 3 ans.

gouarin pierre

Du 2 au 5 août 1914, le 74ème Régiment d’Infanterie Territoriale, dont le dépôt est à Saint-Brieuc, effectue des opérations de mobilisation. Pierre-Marie Gouarin rejoint le régiment le 04 août 1914.

Le 74ème RIT est dirigé par le lieutenant-colonel Chauvel. Pierre-Marie Gouarin fait partie de la 10ème compagnie dirigée par le capitaine Daube, qui elle-même fait partie du 3ème bataillon dirigé par le chef de bataillon Beurée. Ce régiment comprend 45 officiers, 3 455 sous-officiers et hommes de troupe, 225 chevaux.

Dans la nuit du 06 au 07 août, le régiment s’embarque à Saint-Brieuc, par chemin de fer, en trois convois, à destination de Sottevast (Manche) en passant par Lamballe, Dol, Folligny.

Le 08 août, le régiment arrive à Sottevast et cantonne dans les environs : Négreville, Saint Martin, Rocheville, Yvetot.

Le 09 août, le régiment est rattaché à la 173ème Brigade, elle-même rattachée à la 87ème Division commandée par le Général Roy.  Le rôle de la Brigade qui comprend le 73ème et 74ème RIT est d’assurer momentanément la garde des côtes du Cotentin ; des reconnaissances sont faites ayant pour but de trouver des cheminements dans la direction de la côte. Secteur du 74è : angle formé au Nord par la ligne Sottevast-Octeville – au sud par ligne Négreville, Rangeville-la-Bigot, St Christophe du Hautville.

Durant le mois d’août, le régiment est occupé, en marches et manoeuvres, à se réentraîner.

Le 06 septembre, le régiment part pour Cherbourg et il cantonne à Martinvast. Le 07 septembre, il embarque à Cherbourg pour Le Havre à bord des paquebots “New Haven” et “Malte”. Il cantonne aux environs et une nouvelle période d’entrainement s’engage jusqu’à début octobre.

Le 03 octobre, le régiment s’embarque au Havre pour Dunkerque à bord des paquebots “Lorraine”, “Niagara” et “New Haven”. Le 06 octobre, ils débarquent en rade de Dunkerque ; l’opération est rendue difficile pour certaines unités en raison de l’état de la mer. Le régiment traverse ensuite Dunkerque pour se rendre à son cantonnement à Malo-les-Bains.

Le 07 octobre, le régiment est regroupé sur la plage et rejoint Dunkerque. De là, il embarque pour rejoindre St Omer où il arrive le 08 à 21h15.

langemarck 11.1914
ypres

Pouvions nous, supposer avant cette guerre, si fertile en surprises déconcertantes, qu’un jour nous aurions à parler de durs combats engagés et soutenus glorieusement par des régiments territoriaux. On n’avait prévu leur emploi que pour de besognes secondaires telles que la défense de places fortes ou l’occupation des pays conquis. Et pourtant, dès les premières semaines de guerre, des territoriaux durent livrer bataille parmi les régiments d’actifs, et l’histoire du 74° Territorial, si riche en hauts faits d’armes, est là pour nous prouver l’endurance, ‘énergie, le sang-froid, la valeur offensive et défensive que peuvent déployer des hommes de quarante ans, quand il s’agit de la défense de la Patrie. Nos aînés, en effet se sont couverts de gloire pendant cette campagne sans précédent dans l’histoire. En octobre et novembre 1914, pendant la première bataille d’Ypres, où se produit la formidable ruée allemande, ils défendent pied à pied le secteur Bixchote, Cabaret, Korteker, Langemarck, noms désormais célèbres refoulant même plusieurs fois, les assaillants, par des contre-offensives brillamment menées. En avril 1915, ils subissent encore un nouveau et terrible choc à Boesinghe, ou l’ennemi fait usage pour la première fois, de gaz asphyxiants ; malgré de lourdes pertes, ils organisent la défense de points importants et arrêtent la progression des allemands ! Pendant de longs mois ils tiennent des secteurs de première ligne où ils font preuve d’une endurance remarquable ; puis, ils sont employés à l’arrière à des travaux pénibles, humble besogne, certes, mais d’une utilité primordiale et toujours dangereuse quand même. Les multiples éloges qu’ont décernés au 74° ses différents chefs pour son héroïque conduite au feu ; et que l’on retrouvera dans ce recueil, proclament hautement la vaillance incomparable de cette troupe d’élite. Un pays qui possède de tels hommes est assuré de ne jamais périr.

 

A partir du 08 octobre

2 – DEFENSE DES COTES – LA BELGIQUE –L’YSER – YPRES – LANGEMARCK (Août 1914 – 20 mars 1915)

Le 74° forma alors, avec le 73°, un détachement ayant pour mission de couvrir les débarquements alliés contre l’ennemi signalé dans la direction de Hazebrouck.

C’est l’entrée effective en campagne de nos territoriaux bretons qui monteront, dans les luttes qu’ils vont engager, leur courage, leur ténacité et leur valeur militaire, digne de leurs cadets des 271° et 71°.

Le 74° occupe et défend les passages du Canal depuis Waten jusqu’à saint Omer, ainsi que la forêt de Clairmarais. Il est en liaison avec la cavalerie divisionnaire qui tient la ligne de la Lys. Deux reconnaissances sont poussées vers l’Est, dans la direction de Cassel. La première, poussée de deux compagnies du bataillon Hédou, et la seconde, de deux compagnies du bataillon Thomas.

Accompagnées de cavalerie, elles opèrent dans la direction Nieppe – Maison Blanche. L’ennemi est signalé, s’infiltrant dans la forêt de Nieppe et attaquant violement Hazebrouck. Les bataillons HEDOU et THOMAS prennent position au lever du jour, appuyés par une batterie, à la cote 60. Le régiment, poursuit, sans interruption, le renforcement des ouvrages, aussi aucune attaque ne se produit. L’élément britannique ayant d débarqué, franchit la Lys : la mission de découvrir est terminée. La 87° Division est amenée enBelgique dans la région de Poperinghe (14 octobre). C’est le début de la campagne de Belgique pour notre régiment, pendant près de deux ans, malgré les luttes les plus meurtrières, les plus grandes fatigues et les privations que la guerre impose aux troupes de première ligne. Le 74° saura donner la mesure de sa valeur par son calme, son entrain et son endurance, dans les circonstances particulièrement difficiles.

Ce jour-là, le Colonel CHAUVEL adressait cet appel à ces vieux poilus du 74° : « Français de Bretagne, vous avez montré une fois de plus que vous êtes toujours les dignes ascendants de ceux qui ont immortalisé votre Province devant l’Histoire ! Nous voici en Belgique, tâchons de faire sentir à cette brave nation, qui a tout sacrifié pour le salut de la France que nous venons pour la sauver. »

(Extrait Historique du 74è RIT – anonyme)

Voici le témoignage de Paul Cocho, briochin qui se trouvait dans la même compagnie que Pierre-Marie Gouarin. Son témoignage s’arrête au 10 novembre 1914, date à laquelle il a été évacué. Extrait du livre Paul Cocho, mes carnets de guerre et de prisonnier 1914-1919 :

10 novembre : l’ennemi attaque violemment sur tout le front Bixschoote-Langemarck. Trois compagnies du 74è sont envoyées pour renforcer un bataillon du 737 à l’E. de Korteker/Cabaret.
A 17h55, Korteker/Cabaret est tombé aux mains de l’ennemi. Les 5è et 6è compagnies reçoivent la mission de barrer la route Korteker/Cabaret. Dans cette marche en avant, le capitaine Fraval de Coatparquet est tué d’une balle ansi que le lieutenant Courtel. Les positions du 73è sont violemment attaquées dans la soirée. L’ennemi construit des tranchées très rapprochées. Ordre est donné à la 87è D.T. de tenir à tout prix et, en cas d’échec de rester accrochée à la position de Langemarck.
Ce jour-là, 17 soldats sont morts, 30 furent blessés et 11 sont portés disparus.

11 novembre : l’ennemi s’est avancé sur l’Yser. la 87è D.T. tiendra avec la dernière énergie  sur ses positions de la veille. Dans la matinée, l’ennemi progresse au S.E. de Korteker/Cabaret.  5 bataillons d’active arrivent à Pilkem pour appuyer la 87è D.T.et prononcent une attaque qui arrête l’offensive ennemie.
Ce jour-là, 12 soldats sont morts, 72 furent blessés et 5 sont portés disparus.

12 novembre : le 74è dont certains éléments tiennent encore les premières lignes constitue une réserve de secteur, à la disposition du général Xardel. D’après l’ordre général n° 117 du 32è C.A. l’échec du 10 novembre est dû tant au manque de surveillance active qu’à la mauvaise organisation défensive des tranchées ; en conséquence une note de la 87è D.T. prescrit d’organiser les tranchées en profondeur, d’éviter les lignes continues et d’établir des créneaux et des réseaux de fil de fer.
Ce jour-là, 4 soldats sont morts et 27 furent blessés.

13 novembre : la 173è brigade, sous les ordres du général Xardel, commandant du secteur Korteker/Langemarck, est chargé d’établir et d’occuper des positions en arrière de la 1ère ligne de défense. Le 74è doit organiser et tenir le secteur depuis le bois à proximité de la route Pilkem-korteker jusqu’à la route Pilkem-langemarck avec deux bataillons, le 3ème étant installé au passage à niveau en avant de Pilkem. Pilkem est violemment bombarbé.
Ce jour-là 6 soldats sont morts et 18 furent blessés.

Jusqu’au 17 novembre, le régiment est chargé d’organiser la ligne de défense, de construire des boyaux… Le 17, le régiment est relevé à 13 heures sous un violent bombarbement. Pendant la période du 24 octobre au 17 novembre, les combats et bombardements furent continuels. Le régiment eut beaucoup à souffrir aussi des rigueurs de la température, de la vie dans les tranchées encore à ses débuts et souvent du manque de nourriture, le ravitaillement des lignes étant parfois impossible, particulièrement en plein jour.

                                                                                                                                                                                                                                                           Extrait JMO – 74è RIT

Le 13 novembre 1914, la vie de Pierre Gouarin s’est arrêtée. Il avait 37 ans.

“Officiers, sous-officiers, caporaux; brigadiers et soldats : le 4 novembre je vous disais que votre brillante attitude dans cette rude bataille de l’Yser n’échappait à nos chefs ; la preuve en est faite. En effet dès le 16 novembre, le général commandant le 2è corps de cavalerie donnait votre fière énergie en exemple à tous. Et voici que l’ordre du 19 novembre du général Cdt l’armée de Belgique accorde à la 87è D.T. la plus haute des récompenses, celle réservée aux braves, la citation à l’ordre de l’Armée. Soyez donc fiers des héroïques qualités militaires dont vous avez donné tant de preuves; étant prêts, je le sais, à les affirmer à nouveau si besoin est. Dites vous bien avec moi que si de cruels sacrifices ont été stoïquement consentis par nos chers disparus, ces sacrifices étaient nécessaires pour assurer le succès de nos armes. Je vous convie à saluer, tous ensemble, ces vaillants tombés au Champ d’Honneur pour le plus sacré des Devoirs : la Défense de la Patrie “.

Général Cdt la 87è D.T. signé ROY.

Le Colonel Conte commandant la1 73è brigade au lieutenant-colonel Chauvel, cdt le 74è RIT :

“Mon cher colonel, c’est avec une vive émotion et un véritablement sentiment d’orgueil que je vous transmets les chaleureuses félicitations du haut commandement. Elles sont conçues en des termes qui permettent d’affirmer la conduite héroïque de nos Gars Bretons. Je sais personnellement qu’ils ont fait l’admiration de tous ceux qui ont pu les approcher, pendant notre séjour sur les bords de l’Yser. Ils ont subi pendant 3 semaines les plus dures épreuves, les plus grandes privations et les plus grandes fatigues avec un courage qui n’a surpris personne parce qu’ils sont Bretons. J’ajouterai qu’ils ont eu constamment sous leurs yeux leur chef si aimé et si estimé qui n’a cessé de leur donner l’exemple, qui est et qui restera pour moi l’homme du devoir dans toute l’acception du mot. En vous priant de bien vouloir instamment communiquer ma lettre à tous les militaires de votre régiment.”

(signé CONTE)

Départ du 74è RIT- août 1914
historique du 74e RIT
LE 74è RIT ST Brieuc
Bateau Le Niagar

Fiche de recensement militaire - Archives départementales des Côtes d'Armor

Recensement militaire Pierre-Marie Gouarin

Photos de couverture : cimetière Notre-Dame de Lorette – Ablain St Nazaire
Diaporama : caserne des Ursulines d’où Pierre Gouarin est parti  –  paquebot Le Niagara qui a assuré avec le New Haven le transport Le Havre/Dunkerque – le 74è RIT : des bretons de Saint-Brieuc, très probablement Pierre Gouarin est présent sur cette photo.

Catherine B

Autres articles
Contactez-nous

Vous pouvez entrer directement votre message et nous reviendrons vers vous dès que possible. Merci et bonne visite !

Non lisible ? Changer le texte. captcha txt