PATRIMOINE
CROIX ET CALVAIRES
Quand on aime la vie, on aime le passé parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine (M. Yourcenar)
Tréguidel dispose d’une dizaine de croix dont certaines sont entretenues par des habitants de la commune. Il en existe encore plus de 10 000 en Bretagne et, aujourd’hui, des associations tentent de les recenser pour les restaurer et les entretenir. Même s’il est difficile de retracer l’histoire de chacune d”elles, ces croix témoignent, sous la patine des ans, de la vie passée de notre commune, tant sur le plan historique que religieux. Elles font partie de notre patrimoine rural tout en étant étroitement associées à notre quotidien puisqu’elles jalonnent nos routes et nos chemins et, bien souvent sans y prêter attention, nous passons devant elles en nous baladant.
Je tiens ici à remercier Marcelle Gicquel, Denise Paugam, Jean-Pierre Burlot, Yves Pierre et Pierre Roussel, pour les informations qu’ils m’ont apportées et qui m’ont aidée à élaborer cet article.
Caractéristiques
Style
On distingue deux styles de croix à Tréguidel :
- en bois : peu onéreux, il a comme inconvénient de ne pas durer dans le temps. Les croix étaient alors remplacées d’une génération à l’autre.
- en pierre : sculptée dans le granit, la pierre locale ou le béton armé.
La croix, érigée sur un socle, se compose d’un fût ou hampe qui supporte un noeud ou un croisillon. En général, mais pas de manière absolue, elle est orientée vers l’est, c’est-à-dire que le Christ, s’il y en a un, regarde vers l’ouest, tandis que les passants regardent vers l’est, vers Jérusalem.
Datation
Il faut être très prudent sur ce point. Sur le socle de la Croix de Catroual, la date de 1950 apparaît. Or, cette croix figurait déjà sur le cadastre de 1838. Il s’agit très probablement de la date d’une restauration.
En France, aucune des croix existantes aujourd’hui n’est antérieure à la fin du XIIè siècle. En fait, beaucoup de croix et calvaires ont été érigés à partir du XVè siècle jusqu’à la Révolution. Puis, au XIXè siècle, dans un regain religieux, des croix ont été restaurées et d’autres ont été bâties.
Utilité
On trouve des croix à différents endroits de la commune : sur la place, aux carrefours de routes, plaquées contre des talus ou en limite de territoire. Elles ont été érigées à l’initiative d’une famille ou d’une communauté : elles servaient à remercier Dieu d’avoir épargné la commune ou le village d’une épidémie, d’une guerre… ou même d’un événement privé. C’était aussi un lieu de prières avant la moisson pour protéger les cultures et le bétail. Ainsi, lors des Rogations (bénédiction des récoltes dans les jours qui précèdent l’Ascension), la procession suivait les chemins qui menaient aux champs. Les croix témoignent toujours du parcours emprunté. Parfois, elles pouvaient marquer les limites de la commune. Beaucoup ont été détruites durant la Révolution, ou laissées à l’abandon.
Ils jouent aussi le rôle de poteau indicateur, signalant depuis un endroit plat, l’approche d’un carrefour.
Souvent détruits durant la Révolution Française, ils furent reconstruits dans la seconde moitié du XIXe siècle, entre 1814 et 1906 à l’époque des missions de prédication et de reconquête de l’église, souligne Jean-François Galinier, historien. Anti-cléricale, la IIIe République va alors en déplacer certains pour les installer à l’intérieur de la cour de l’église ou contre le mur du cimetière.
LES CROIX
Croix figurant sur l’ancien cadastre
Le cadastre napoléonien (1838) nous révèle un certain nombre de croix.
Celles qui existent encore :
- croix en pierre : croix du Bourg, croix du cimetière, croix du Bouscaud, croix de Pabu, croix de Kervitel et croix de Kerloho
- croix en bois : croix de Catroual, croix de la Pige.
Celles qui ont pratiquement ou totalement disparu (leur existence est attestée par le symbole d’une croix qui apparaît sur l’ancien cadastre, mais aussi par le souvenir de certains habitants de la commune) :
- Croix au Duc : elle était située au croisement du Chemin de Catroual et de la route de Lanvollon à St Brieuc – aujourd’hui croisement de la Ribotée et de la route de Kerbellec (la route départementale actuelle n’avait pas la même configuration). Elle a été détruite dans les années 1970 à la demande des propriétaires du terrain sur lequel elle était érigée.
- Croix de la Roche : située sur le chemin de Pabu, du côté de Kervin.
- Croix du Reste : quelques vestiges sont encore visibles.
Celles qui ont été érigées plus tard
- Croix de Goaderno, croix de la Ville au Gallais, croix de Tonnelais
- De la croix de Méda, située entre Kerbellec et La Lande, il ne reste que les vestiges du socle.
Implantation géogaphique
Croix du Bourg
Cette croix en granit date du XVIe siècle. Elle est située sur la place des Chênes, près du monument aux morts.
Elle a une particularité que l’on retrouve sur peu de croix : sur le fût, on peut voir un Christ, côté ouest, et une Vierge à l’Enfant sur le revers.
La Vierge représentée sur la plupart des croix est une Piéta, une Vierge de Piété. La sculpture représente alors la Vierge tenant dans ses bras le Christ mort après avoir été descendu de la croix. Elle développe le thème chrétien de la souffrance et de la mort. Comme le Christ, elle est orientée côté ouest de la croix, posée sur le socle ou sur le fût.
Ici, la sculpture de la Vierge à l’Enfant est orientée vers l’est (soleil levant) et développe le thème de la fertilité et du renouveau.
A l’origine la croix se trouvait sur la place, comme on peut le constater sur les cartes postales anciennes. La circulation automobile devenant plus importante, le conseil municipal décida de son déplacement en mai 1967. “Après décision du Conseil Municipal de Tréguidel, le calvaire rustique en granit datant du XVIè siècle accroché à maintes reprises par divers véhicules, a été placé par l’entreprise Cocherel dans le cadre verdoyant de la place du bourg au pied des chênes plusieurs fois centenaires.” – (article paru dans la presse locale de l’époque).
Croix du Bouscaud
Elle date du XVIe siècle.
C’est une croix de chemin en granit.
Particularité : elle possède un socle en forme de reposoir-autel. C’était un jalon pour les processions qui avaient lieu lors des fêtes religieuses, notamment les Rogations (bénédiction des récoltes).
CROIX DU CIMETIERE
Croix du cimetière : “Signalons encore dans le cimetière de Tréguidel, une croix du XVè siècle dont le socle est orné de trois écus accolés. Nous n’avons pu déchiffrer que celui du milieu, les deux autres étant complètement frustres. Il porte les armes des Bois-Boissel prévots de l’évêché de Saint-Brieuc : d’hermines au chef de gueules chargé de trois mâcles d’or. La seigneurie du Bois-Boissel dépendait de la paroisse de Trégomeur, voisine de Tréguidel.” – Paul Chardin Bulletin monumental 1885
Croix de Pabu
Cette croix en granit est la propriété de la commune. En raison du descellement des pierres en granit qui forment sa base, elle a dû être démontée, nettoyée puis remontée en 1987.
Croix de Kervitel
(Famille Gouarin) A l’origine, la croix se trouvait à Kervitel au croisement de la route du Reste et de la route de Goaderno. Lorsque la nouvelle route a été tracée, la bonnette (petit chemin en terre) a été supprimée et la croix a été déplacée. Par la suite, elle a été abandonnée derrière l’église puis récupérée et replacée sur la route de Kervitel. Le fût était plus grand à l’origine.
Croix de Catroual
Il s’agit d’une croix de chemin. Sa structure est simple : fût en bois avec un crucifix, qui repose sur un socle en pierre. Lors des Rogations, la procession passait devant cette croix.
Une inscription illisible figure sur le socle. On peut y lire la date de 1950, qui doit fort probablement correspondre à une restauration car la croix est mentionnée sur l’ancien cadastre.
CROIX DE LA PIGE
Croix de chemin en bois de structure simple. Elle est située près du sentier venant du sous-bois de Kério, à la limite de Pléguien. Le Christ n’y figure pas mais la Vierge est incrustée dans le fût pour demander la protection divine.
Cette croix remplace l’ancienne croix bleue centenaire. Elle a été offerte par M. et Mme Le Forestier et inaugurée le 14 octobre 1997.
CROIX DE TONNELAIS
[Famille Méda/Rouxel] Croix en bois avec un crucifix. La croix Beau Soleil, couramment appelée Croix de Tonnelais, a été arrachée par le vent en 1924. Elle a été remplacée en 1925 par la famille d’Edouard Méda, grand-père de Philippe Rouxel. A l’époque, une souscription avait été lancée pour la financer. Elle a été refaite aux alentours des années 1970 par Yves Briand et René Berthelo. Tugdual Jarno avait fourni le bois. L’été dernier, menaçant de tomber, elle a été enlevée. C’est à la demande des habitants du quartier que des bénévoles de la commune l’ont rebâtie : Bernard Hélary a fourni le bois, Alain Hanot a façonné la croix et Philippe Rouxel a repeint le socle. Le nouveau fût a été érigé le 16 juin 2017.
Entretenue tout d’abord par Monsieur Jarno, Martine Rouxel a pris la relève et assure actuellement son entretien et son fleurissement.
CROIX DE KERLOHO
Croix en pierre reconstituée. Elle figure sur le cadastre napoléonien de 1838.
CROIX DE GOADERNO
[Famille Blouin] La croix a été construite en 1938. Lors du pardon de Pabu, la procession s’arrête devant cette croix avant de se rendre à la fontaine St Tugdual.
CROIX DE LA VILLE AU GALLAIS
[Famille Gouarin-Burlot] Elle a été construite en 193. Auparavant, cette croix était identique à celle de Goaderno. Le socle est d’origine mais la croix a été remplacée et le fût a été refait. Lors du pardon de Pabu, la procession défilait jusqu’à cette croix mais l’importance de la circulation automobile a amené le curé à renoncer à ce parcours et à l’orienter vers la croix de Goaderno.
Catherine B.