Dans HISTOIRE

Avec Pierre Le Roux, nous commençons une série d’articles pour retracer l’histoire des soldats tréguidelais morts pour la France durant la guerre 1914-1918. Nous allons tenter de reconstituer leur parcours depuis leur départ de Saint-Brieuc, jusqu’à leur dernière journée, leur dernière bataille.

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Pierre Le Roux est né le 29 janvier 1883 à Tréguidel. Il rejoint la caserne de Saint-Brieuc le 03 août 1914.Il est affecté au 1er Régiment d’Infanterie Coloniale (1er RIC).

Le 07 août, ayant rejoint son régiment basé à Cherbourg, il quitte la gare de cette même ville.

Le 09 août, il arrive à la gare de Révigny (près de Bar-le-Duc). Son premier cantonnement est à Fains d’où il devra regagner le front à pied.
Le 12 août, le régiment arrive à Somaisne après une marche très difficile (5 hommes meurent d’insolation).

Dans la nuit du 16 au 17 août, il parvient à Chauvency-le-château (près de Montmédy). Là, il dispose d’une journée pour se reposer car les déplacements se font sous une chaleur écrasante. Il faut se rappeler que le sac à dos pèse pas moins de 30 kg et que l’uniforme ne correspond ni aux grandes marches, ni aux assauts, encore moins au camouflage (pantalon rouge, képi rouge et bleu et une lourde capote bleue).

Le 21 août, à 1 heure du matin, il franchit le poteau de la frontière de Belgique, (nord-est de Montmédy). A 9 heures du matin, il entre dans Meix-sur-Virton. A 19 heures, ordre est donné d’abandonner ce lieu et de se diriger vers St Vincent.

Le 22 août, à 1 heure du matin, le régiment arrive à St Vincent, sous une pluie battante, harassés de fatique après 18 kms de marche.

« La journée du 21 août a été marquée par des cafouillages logistiques qui ont entraîné une succession de marches et de contremarches inutiles et épuisantes pour les hommes et leurs officiers. Au total, les soldats ont marché près de vingt heures le 21 août, avant de cantonner vers minuit et de repartir à l’aube. Pas de repas chauds ni de petit-déjeuner. Depuis trois jours, les officiers ont dormi deux à trois heures tout au plus ».

La Journée du 22 août 1914 – Bataille de Rossignol

Dès le lever du jour, le Général Montignault reçoit l’ordre de reprendre la marche et de marcher vers Neufchateau pour s’y cantonner : “Aujourd’hui, marche de trente-trois kms. Arrivée à Neufchâteau à 11 heures. Cantonnement. Aucune rencontre à prévoir.” Mais le commandement français était mal informé.

Le 1er et 2ème RIC (6 800 hommes) forment la 1ère Brigade d’Infanterie du Général Montignault.  A cette brigade viennent s’ajouter la 3ème brigade d’infanterie (6 800 hommes) et le 2ème RAC (36 canons). Ils forment la 3ème DIC, commandée par le Général Raffenel, engagée dans les combats du 22 août à Rossignol. Le 3ème régiment des Chasseurs d’Afrique (600 cavaliers), le 6ème escadron du 6ème Dragon et une compagnie du Génie combattent avec la 3ème DIC. A peu près 20 000 hommes au total.

le 2ème bataillon du 1er régiment part en tête. Il forme l’avant-garde de la 3ème DIC.  Il est précédé par une unité de cavaliers, le 6e Dragon qui atteint Rossignol le premier.

« Les avant-gardes de la 3ème division française d’infanterie coloniale (3èDIC) progressent lentement vers le nord sur la route étroite de la forêt des Ardennes belges en direction du village de Rossignol… le terrain est ardu, boisé, vallonné et parsemé d’étangs et de marécages. Tout déploiement en dehors de la route est difficile, en particulier pour l’artillerie et le train des équipages, tractés à cheval….

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7 heures : « les colonnes françaises, forcées d’évoluer sur une route de campagne étroite, s’étirent sur plus d’une dizaine de kilomètres.

Les dragons français pénètrent dans Rossignol et échangent des coups de feu avec une patrouille de ulhans allemands rencontrés sur place, qu’ils repoussent vers la sortie nord du village. Les cavaliers allemands refluent vers la forêt dense qui s’étend entre Rossignol et Neufchateau. Les dragons tentent de les poursuivre mais sont repoussés à l’orée du bois par un feu nourri…. Les Français…faute à la fois de reconnaissance efficace et de remontée rapide des informations… restent convaincus de n’avoir qu’un faible rideau de troupes devant eux… Il faut donc aller de l’avant de manière résolue et traverser la forêt rapidement. [Le général Montignault] engage dans les bois, les uns après les autres, les trois bataillons du 1er RIC avec, en tête, le 2è bataillon….

« Pour empêcher les Français de progresser vers le nord, les commandants locaux allemands ont organisé des défenses dans les taillis et les fourrés de la forêt de Neufchateau de manière à prendre en enfilade, en particulier avec les mitrailleuses, la seule route traversant cette forêt. …

Fauchés par les mitrailleuses quand ils s’avancent sur la route, les soldats français du 2è bataillon du 1er RIC n’arrivent pas davantage à progresser sur les bas-côtés marécageux et dans les taillis environnants, où ils restent exposés sans pouvoir s’abriter du feu de mousqueterie dense et précis des soldats allemands.

Après quelques minutes d’hécatombe, les premiers blessés commencent à refluer à l’orée du bois et informent le lieutenant-colonel Vitard….Or, la réaction du commandement français est alors identique à ce qu’elle sera sur les différents champs de bataille des Ardennes dès lors qu’une opposition ennemie se fait jour : attaquer sur-le-champ.

le 1er RIC engage donc le reste de ses ressources disponibles (1er et 3è bataillons)…. Les hommes chargent… et se heurtent au même mur de feu… Mais le résultat est pire encore que pour le premier assaut. En quelques minutes, le 1er RIC tout entier est décimé, ses trois chefs de bataillon tués en avant de leurs hommes, avec la plupart des officiers. »

8 h 45 : « Le commandant Moreau, chef d’état-major de la 3ème DIc suggère au général Raffenel d’arrêter la progression … et d’envoyer des patrouilles pour reconnaître les positions allemandes…Le général Raffenel semble hésiter mais lui répond finalement avec humeur : « vous me la baillez belle avec vos fronts ! » Et il donne l’ordre de faire avancer le 2ème RIC, espérant que les renforts vont arriver.
Le 2ème RIC s’élance donc …Il y connaît le triste privilège d’être le régiment enregistrant les pertes les plus élevées de la journée, et en particulier la disparition de la quasi-totalité de ses officiers. En moins de deux heures, la 3ème DIC voit ainsi ses deux régiments d’infanterie d’élite annihilés… »

10 heures : l’artillerie allemande entre en action.
« dès lors, et jusqu’à la fin de la journée, les troupes françaises vont devoir opérer sous un barrage d’artillerie ininterrompu. La destruction totale par le feu allemand du corps colonial… débute alors. »

11 heures : « les unités allemandes… ayant décimé leurs adversaires directs (1e et 2è RIC…) commencent à avancer pour encercler les troupes françaises.” La 3ème DIC est dans une situation dramatique. De nombreux officiers sont tués et blessés.

“… Il ne se trouve personne pour tenter d’organiser un recul de quelques kilomètres afin d’échapper à l’encerclement et à la destruction.”

14 heures : … « la 3ème division n’est plus qu’un patchwork de groupes isolés… Les artilleurs… commencent à concentrer leur capacité de tir sur des objectifs qu’ils ont maintenant en vue directe : les lignes de fantassins allemands qui progressent depuis le nord, le sud et l’ouest vers les positions françaises. Ils le font d’ailleurs avec un certain succès, provoquant chez les assaillants…des pertes sérieuses… Les artilleurs tiennent et meurent à leur poste…” Tout le monde se bat avec acharnement.

«Les XI et XIIè divisions d’infanterie allemande entourent maintenant Rossignol”. Jusqu’à 18 heures, la résistance se prolonge. Puis, ” … les premiers groupes de soldats cernés commencent à se rendre ».

« Vers 19 heures,… le clairon sonne. La bataille de Rossignol est terminée. »

La vie de Pierre-Marie Le Roux s’est arrêtée sur ce champ de bataille, le 22 août 1914. Il avait 31 ans

Entre le 20 et le 24 août 1914., 40 000 soldats ont perdu la vie dans “la bataille de frontières”. La journée du 22 août fut la plus meurtrière : 27 000 hommes sont morts ce jour-là.

« la stèle du monument aux morts du corps colonial, érigée au nord de Rossignol en 1927, évoque 6 473 morts pour la 3è DIC, auxquels on doit ajouter une grande part des 2 379 portés disparus, ce qui donne un total vraisemblable de 7 000 tués environ ce jour-là pour cette seule division. A ce chiffre, s’ajoutent les 4 000 prisonniers faits par les Allemands. …

Les pertes humaines subies du côté allemand ont eu deux conséquences :
– « retarder la poursuite allemande d’au moins 24 heures, le commandement estimant sa troupe trop éprouvée pour pouvoir dès le lendemain matin se jeter à l’assaut des Français. … »
– « pousser les Allemands… en représailles à la résistance rencontrée lors de l’assaut final, à un massacre de civils belges, habitants de Rossignol et de ses environs. Dès la nuit du 22 août, 108 d’entre eux sont arrêtés et accusés d’être des francs-tireurs, susceptibles d’avoir tiré sur les troupes allemandes. Entassés dans des wagons à bestiaux, ils sont envoyés vers l’Allemagne. Le 26 août au matin, en gare d’Arlon, au Luxembourg, ils sont extraits des wagons et tous fusillés par groupes de dix le long d’un talus”, les derniers étant obligés de grimper sur les corps des premiers fusillés pour l’être à leur tour.

Source : extraits de 22 août 1914 de Jean-Michel Steg
Historiques du 1er RIC – Historiques du 2ème RIC – Bataille de Rossignol

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